20060411 VANACOME
11/04/06
Vanacome (ou bonjour en Tamoul)
J’espère que mon petit monde se porte bien en cette veille de Pâques. Ici, nous entrons dans la période dite la plus chaude de l’année et votre bibi nationale ressemble de plus en plus à un poisson rouge hors de son bocal. Dieu qu’il fait chaud, c’est simple, même là, calée sous le ventilateur, je dégouline (image peu flatteuse de ma petite personne). J’en finis presque à regretter les douces températures burundaises où finalement il faisait bon sortir sa petite laine le soir sur les collines de Ngozi.
Cette semaine est une toute petite semaine de travail avec seulement deux jours ouverts (entre la fête de la pleine lune et la nouvelle année), alors je vois déjà certains d’entre vous me taquiner sur les dures réalités terrain. Mais n’allez pas croire que les choses sont aussi aisées.
Cette nuit, 0h30
Alors qu’enfin abrutie par la chaleur, j’étais endormie, je reçois un texto sécu annonçant que plusieurs personnes ont été tuées au cours d’une attaque. Et depuis 8h30 ce matin, j’en suis déjà au septième texto. Et pourtant, c’est curieux mais ces attaques ou autres actions tendues ne sont pas aussi visibles compte tenu du calme ambiant. Cela circule dans la ville à tout va et à l’ombre de mon appartement, je perçois très nettement les coups de klaxon, mélodie somme toute usuelle dans les rues. La situation est assez tendue en ce moment sur Batticaloa et Ampara parce que certaines factions (dont les appartenances à tel ou tel groupe restent vagues) ont demandé (voire menacé) les femmes Tamils d’arrêter de travailler pour les INGOs à compter de lundi prochain. Pour l’instant, ce ne sont que des pamphlets qui circulent plus ou moins ouvertement et nous prenons cela très au sérieux. Le motif invoqué est que les femmes Tamils seraient exposées à des actes d’ordre peu chastes de la part des expatriés (si je puis dire cela tout en restant politiquement correct, les pamphlets étant, eux, beaucoup plus explicites sur le sujet). Donc en dehors du fait que les INGOs sont directement pointés du doigt, il en va de la continuité des programmes dans la mesure où ce sont majoritairement des femmes qui y travaillent comme nos programmes psychosociaux ou santé materno-infantile pour ne citer qu’eux.
Ce qui m’amène donc à vous parler un peu plus de la vie ici sur la côte est du Sri Lanka (je ne peux pas faire une généralité pour l’ensemble du pays, n’ayant aperçu que le ministère de l’immigration à Colombo). Je vous parlerai tout d’abord d’un certain conservatisme comme la virginité comme règle d’or pour le mariage, des mariages encore arrangés, des goodbye parties d’expatriés qui se font à l’heure du goûter pour que les femmes puissent y assister et où seuls les hommes dansent (et quelques jeunes femmes mais alors très chastement et souvent pour montrer les danses traditionnelles). On bannît de nos gardes robes pour sortir tout ce qui est de l’ordre de la jupette (on ne montre pas le genou) ou le débardeur (les épaules doivent être couvertes ou alors la tunique est longue pour couvrir les fesses, soit on montre un bout d’épaule mais on cache les fesses, soit le tee-shirt basique est toléré si les manches couvrent au moins les épaules). De mon regard d’occidental, seul le sari, élégamment porté, reste la tenue la plus sexy avec ses ouvertures sur les flancs féminins.
Il nous est recommandé, à nous expatriées femmes, de ne pas nous rendre seules à la plage pour des raisons de sécurité car dans l’imaginaire collectif, la femme « blanche » n’est connue des hommes, ici, au premier abord, que via les actrices de films interdit au moins de 18 ans… donc les hommes ici (d’une manière générale et non systématique) ont tendance à regarder très intensément les jeunes femmes en bikinis (et pas seulement) et il y a même eu quelques incidents désagréables (comme des tentatives d’approche plus que lourdes). Ah la beauté de la culture occidentale quand tu nous tiens. Allez leur faire comprendre que non, toutes les expatriées ne sont pas des professionnelles de la pornographie et que ce n’est pas notre gain de pain quotidien… donc, on fait profil bas, on va à la plage en bande et dans des coins bien identifiés (j’ai donc fait une croix sur toute envie pressante de me jeter à l’eau comme dans un bain dès que cela me chante, non, la baignade ici demande une certaine organisation).
Bien sûr les relations ne sont pas aussi tendues avec le staff qui commence à être habitué aux expats (et leur curieuse façon de vivre ?) et qui surtout a une ouverture d’esprit suffisamment grande pour ne pas rester fixés sur ces histoires. De notre côté, et bien, nous agissons avec diplomatie et discrétion. Ensuite, ici, c’est la région des rumeurs et autres commérages, et il est parfois difficile de faire la part des choses, surtout en ce qui concerne les INGOs et les expatriés.
L’autre jour, je suis allée à l’inauguration d’un de nos centres et une enfant (12 ans) se met à lire une sorte de poème en anglais à la gloire des mamans (qui brillent comme le soleil, et tout et tout) et là, elle enchaine : « if your mother beats you, accept it, it’s a kind of education ». Et dire que notre mandat à TDH est la défense des droits de l’enfant (basée sur la convention UN des droits de l’enfant), no comment… cela prouve que nous avons encore beaucoup à faire sur nos activités de protection de l’enfant. Ce qui me fait penser que nous allons tenter d’organiser, pour le 1er mai, fête du travail ici, une parade sur les droits de l’enfant (enfin si la situation nous le permet).
Avant de conclure cette lettre, je vais vous parler de Mrs Silvester, notre cuisinière et femme de ménage au bureau mais avant tout es maitre en ce qui concerne le thé. Mrs Silvester doit avoir entre cinquante et soixante ans, toujours vêtue de son sari. Elle fut la seule à avoir totalement suivi tous les cours d’anglais que Tdh avait payé au staff pour une communication meilleure avec les expatriés et même si elle ne le parle pas bien, on souligne tous l’effort, celui d’apprendre une langue étrangère à son âge pour être dans la relation à l’autre. Mais c’est pour son aptitude à nous servir le thé qu’elle me fascine. Tout d’abord, il suffit de lui dire une fois et une seule comment nous aimons notre thé pour qu’elle s’empresse de le faire au goût des uns et des autres (sans sucre, avec, sans lait, avec, etc.) et elle n’oublie pas les préférences de chacun. Alors c’est toujours un bonheur de la voir arrivée avec son plateau rempli de tasses et elle nous désigne sans une erreur quelle est notre tasse ! Je ne suis pas sûre d’avoir cette mémoire…
Enfin, les sri lankais dodelinent de la tête, subtilement de droite à gauche pour dire qu’ils sont ok avec ce qui se dit. J’adore bien qu’au début, j’avais du mal à saisir s’ils me disaient oui ou non puis en les observant, j’ai compris que c’était juste ok.
Voilà mes petits loups, je vous laisse sur ces quelques lignes non sans vous embrasser très fort.
Prenez soin de vous
Audrey
Vanacome (ou bonjour en Tamoul)
J’espère que mon petit monde se porte bien en cette veille de Pâques. Ici, nous entrons dans la période dite la plus chaude de l’année et votre bibi nationale ressemble de plus en plus à un poisson rouge hors de son bocal. Dieu qu’il fait chaud, c’est simple, même là, calée sous le ventilateur, je dégouline (image peu flatteuse de ma petite personne). J’en finis presque à regretter les douces températures burundaises où finalement il faisait bon sortir sa petite laine le soir sur les collines de Ngozi.
Cette semaine est une toute petite semaine de travail avec seulement deux jours ouverts (entre la fête de la pleine lune et la nouvelle année), alors je vois déjà certains d’entre vous me taquiner sur les dures réalités terrain. Mais n’allez pas croire que les choses sont aussi aisées.
Cette nuit, 0h30
Alors qu’enfin abrutie par la chaleur, j’étais endormie, je reçois un texto sécu annonçant que plusieurs personnes ont été tuées au cours d’une attaque. Et depuis 8h30 ce matin, j’en suis déjà au septième texto. Et pourtant, c’est curieux mais ces attaques ou autres actions tendues ne sont pas aussi visibles compte tenu du calme ambiant. Cela circule dans la ville à tout va et à l’ombre de mon appartement, je perçois très nettement les coups de klaxon, mélodie somme toute usuelle dans les rues. La situation est assez tendue en ce moment sur Batticaloa et Ampara parce que certaines factions (dont les appartenances à tel ou tel groupe restent vagues) ont demandé (voire menacé) les femmes Tamils d’arrêter de travailler pour les INGOs à compter de lundi prochain. Pour l’instant, ce ne sont que des pamphlets qui circulent plus ou moins ouvertement et nous prenons cela très au sérieux. Le motif invoqué est que les femmes Tamils seraient exposées à des actes d’ordre peu chastes de la part des expatriés (si je puis dire cela tout en restant politiquement correct, les pamphlets étant, eux, beaucoup plus explicites sur le sujet). Donc en dehors du fait que les INGOs sont directement pointés du doigt, il en va de la continuité des programmes dans la mesure où ce sont majoritairement des femmes qui y travaillent comme nos programmes psychosociaux ou santé materno-infantile pour ne citer qu’eux.
Ce qui m’amène donc à vous parler un peu plus de la vie ici sur la côte est du Sri Lanka (je ne peux pas faire une généralité pour l’ensemble du pays, n’ayant aperçu que le ministère de l’immigration à Colombo). Je vous parlerai tout d’abord d’un certain conservatisme comme la virginité comme règle d’or pour le mariage, des mariages encore arrangés, des goodbye parties d’expatriés qui se font à l’heure du goûter pour que les femmes puissent y assister et où seuls les hommes dansent (et quelques jeunes femmes mais alors très chastement et souvent pour montrer les danses traditionnelles). On bannît de nos gardes robes pour sortir tout ce qui est de l’ordre de la jupette (on ne montre pas le genou) ou le débardeur (les épaules doivent être couvertes ou alors la tunique est longue pour couvrir les fesses, soit on montre un bout d’épaule mais on cache les fesses, soit le tee-shirt basique est toléré si les manches couvrent au moins les épaules). De mon regard d’occidental, seul le sari, élégamment porté, reste la tenue la plus sexy avec ses ouvertures sur les flancs féminins.
Il nous est recommandé, à nous expatriées femmes, de ne pas nous rendre seules à la plage pour des raisons de sécurité car dans l’imaginaire collectif, la femme « blanche » n’est connue des hommes, ici, au premier abord, que via les actrices de films interdit au moins de 18 ans… donc les hommes ici (d’une manière générale et non systématique) ont tendance à regarder très intensément les jeunes femmes en bikinis (et pas seulement) et il y a même eu quelques incidents désagréables (comme des tentatives d’approche plus que lourdes). Ah la beauté de la culture occidentale quand tu nous tiens. Allez leur faire comprendre que non, toutes les expatriées ne sont pas des professionnelles de la pornographie et que ce n’est pas notre gain de pain quotidien… donc, on fait profil bas, on va à la plage en bande et dans des coins bien identifiés (j’ai donc fait une croix sur toute envie pressante de me jeter à l’eau comme dans un bain dès que cela me chante, non, la baignade ici demande une certaine organisation).
Bien sûr les relations ne sont pas aussi tendues avec le staff qui commence à être habitué aux expats (et leur curieuse façon de vivre ?) et qui surtout a une ouverture d’esprit suffisamment grande pour ne pas rester fixés sur ces histoires. De notre côté, et bien, nous agissons avec diplomatie et discrétion. Ensuite, ici, c’est la région des rumeurs et autres commérages, et il est parfois difficile de faire la part des choses, surtout en ce qui concerne les INGOs et les expatriés.
L’autre jour, je suis allée à l’inauguration d’un de nos centres et une enfant (12 ans) se met à lire une sorte de poème en anglais à la gloire des mamans (qui brillent comme le soleil, et tout et tout) et là, elle enchaine : « if your mother beats you, accept it, it’s a kind of education ». Et dire que notre mandat à TDH est la défense des droits de l’enfant (basée sur la convention UN des droits de l’enfant), no comment… cela prouve que nous avons encore beaucoup à faire sur nos activités de protection de l’enfant. Ce qui me fait penser que nous allons tenter d’organiser, pour le 1er mai, fête du travail ici, une parade sur les droits de l’enfant (enfin si la situation nous le permet).
Avant de conclure cette lettre, je vais vous parler de Mrs Silvester, notre cuisinière et femme de ménage au bureau mais avant tout es maitre en ce qui concerne le thé. Mrs Silvester doit avoir entre cinquante et soixante ans, toujours vêtue de son sari. Elle fut la seule à avoir totalement suivi tous les cours d’anglais que Tdh avait payé au staff pour une communication meilleure avec les expatriés et même si elle ne le parle pas bien, on souligne tous l’effort, celui d’apprendre une langue étrangère à son âge pour être dans la relation à l’autre. Mais c’est pour son aptitude à nous servir le thé qu’elle me fascine. Tout d’abord, il suffit de lui dire une fois et une seule comment nous aimons notre thé pour qu’elle s’empresse de le faire au goût des uns et des autres (sans sucre, avec, sans lait, avec, etc.) et elle n’oublie pas les préférences de chacun. Alors c’est toujours un bonheur de la voir arrivée avec son plateau rempli de tasses et elle nous désigne sans une erreur quelle est notre tasse ! Je ne suis pas sûre d’avoir cette mémoire…
Enfin, les sri lankais dodelinent de la tête, subtilement de droite à gauche pour dire qu’ils sont ok avec ce qui se dit. J’adore bien qu’au début, j’avais du mal à saisir s’ils me disaient oui ou non puis en les observant, j’ai compris que c’était juste ok.
Voilà mes petits loups, je vous laisse sur ces quelques lignes non sans vous embrasser très fort.
Prenez soin de vous
Audrey
1 Comments:
Bjr
One ne se connait pas, mais JP est un ami. Voici des infos sur ce qui se passe là ou vous êtes : http://www.tsr.ch/tsr/index.html?siteSect=200001&sid=6632184
Amclt
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